Le menu qui ne passe pas Le menu qui ne passe pas
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En rendant obligatoire un menu végétarien par semaine dans les cantines scolaires, le gouvernement s’est aventuré sur le terrain très privé du libre arbitre alimentaire et des libertés individuelles.
Pas étonnant que l’application, depuis le 1er novembre, de cette mesure fasse déjà des remous, même si le législateur évoque une expérimentation de deux ans pour mieux faire passer la pilule… Ici ou là, la fronde a déjà commencé, venant à la fois de parents choqués que l’on puisse imposer à leurs enfants, et contre leurs convictions, ce genre de menu, et d’élus rebelles ayant indiqué qu’ils n’appliqueraient pas la mesure ! Ainsi, pour le premier menu végétarien servi au collège Robert Géant de Vézelise (Meurthe-et-Moselle), des élèves se sont pointés avec leur panier-repas en signe de protestation. Seule une « escalope » de soja leur était proposée en guise de plat principal, sans menu alternatif.
Et des parents agriculteurs ont écrit à la principale du collège pour dénoncer « ces ersatz de viande d’origine inconnue ». D’autres ont fait remarquer, à juste titre, qu’il fallait que les enfants aient le choix. On touche là au point névralgique du contentieux émergent : l’absence d’alternative au menu végétarien quand les gestionnaires de cantines choisissent le menu unique (c’est plus facile).
Le libre choix alimentaire doit pourtant être garanti, cela paraît être une évidence. Dans le Cantal, le président du conseil départemental, Bruno Faure, a carrément demandé par lettre de ne pas inclure de menu végétarien dans les cantines des collèges. À raison de quatre repas pris en restauration scolaire dans la semaine, il invoque, entre autres, l’argument nutritionnel pour les enfants, soulignant que certains d’entre eux n’auront pas l’occasion de manger de la viande par ailleurs.
Chef du service de nutrition pédiatrique à l’hôpital Trousseau, à Paris, et témoin de l’explosion récente des déviances alimentaires et de dégâts irréversibles, le Pr Tounian parlait dans nos colonnes « d’ineptie » à propos de cette mesure (1). Car, à ses yeux, elle stigmatise un aliment essentiel et laisse à penser que la viande est à éviter. Un argument d’autant plus recevable que cette initiative a souvent déboulé dans les écoles sans explication.
L’éducation nutritionnelle qui, elle, n’est pas contestable, et la notion de repas équilibrés méritent mieux qu’un oukase tombé du ciel… Preuve qu’une nouvelle fois, la charrue a été mise avant les bœufs, aucun des maillons n’est prêt pour faire face au défi qui se pose : ni les équipes de cuisine peu habituées, de l’aveu même du ministère, à imaginer des repas végétariens, ni les diététiciens qui s’arrachent les cheveux pour apporter suffisamment de protéines sans que la quantité à absorber ne soit rebutante pour des enfants.
(1) La France Agricole n° 3765 du 21 septembre 2018, p. 13.
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